Expérimentation Thz

ANR CodikHum 18-CE27-0007-02 – Rapport établi par Benoit Prochet.

Objectifs

Le projet CodikHum vise la mise au point de nouveaux instruments pour étudier les encres anciennes utilisées sur des documents de la Renaissance, manuscrits ou imprimés. Les méthodes utilisées dans le cadre du programme CodikHum reposent sur la spectrométrie, la colorimétrie mais aussi l’analyse des surfaces d’encres et la microscopie. Les méthodes proposées sont testées, soit dans un corpus de pigments ou d’encres, soit sur d’autres matériaux. Un rapport par méthode est rédigé afin de présenter les résultats. Ces analyses permettent de dessiner un panorama des techniques utilisées à la Renaissance pour écrire et imprimer des livres. Elles posent aussi les bases d’une future banque de données qui est encore à constituer aujourd’hui.

Manipulation

Matériel

Palette de référence 2

            Une palette de référence n°2 est réalisée afin de mettre en évidence l’influence de la quantité de chaque ingrédient. Pour cela, de la noix de galle en poudre est ajoutée dans de l’eau distillée pendant une semaine. Puis ce mélange est réduit de moitié par chauffage et filtré. Ce filtrat est utilisé pour réaliser les encres suivantes :

  • Série Fer : Filtrat + gomme arabique + différentes quantités de sulfate de Fer
  • Série Alun : Filtrat + gomme arabique + sulfate de fer + différentes quantités d’Alun
  • Série Mixte : Filtrat + gomme arabique + sulfate de Fer + différentes quantités de Noir de Fumée
  • Série Fe/AG : le rapport entre le sulfate de fer et l’acide gallique varie dans cette série

            Chaque encre est appliquée sur un morceau de parchemin du côté chair. La série Fer est aussi appliquée sur le côté poil pour éventuellement observer des différences entre le recto et le verso.

Corpus

            Dans le cadre du projet CodikHum, l’acquisition de huit documents va définir le corpus d’étude dans le cadre des expériences exploratoires. En effet, malgré les précautions qui sont prises, il n’était pas envisageable de mener cette étude exploratoire sur des documents historiques appartenant à des tiers sur lesquels il existait une probabilité non négligeable de dégradation au cours de l’expérimentation.

            Le corpus d’étude est composé de huit documents sur papier et parchemin datant de 1521 à 1640 et provenant des archives de famille noble de Guériboult, probablement de la région de Mons. Un descriptif complet des huit documents du corpus d’étude se trouve en annexe 1 de ce document. En plus du descriptif succinct avec photographies des documents, il y a le positionnement des points de mesures déterminés

Protocole

L’onde THz est définie entre 100GHz et 30 THz entre les infrarouge et les microondes. Cette méthode permet d’obtenir des images et d’analyser spectralement des matériaux. Les avantages sont multiples :

  • Le rayonnement est non ionisant donc sans danger la matière et les organismes
  • L’interaction onde matière est très riche en information spectrales
  • Les ondes pénètrent facilement dans les matériaux non polaires
  • Les photons THz possèdent de faibles énergies
  • La pénétration et la résolution sont intéressantes et dépendent de la longueur d’onde utilisée

Résultats

Série Fer et Mixte

  • Imagerie en transmission d’encres déposées sur parchemin

Image à 850 GHz de deux échantillons d’encre déposés sur parchemin

            Le noir de carbone est très facilement repérable sur le parchemin du bas (absorption par le carbone) sur l’image ci-dessous à 850 GHz.

            En revanche, la bande du haut ne révèle aucun signe de la présence d’encre, malgré un contraste poussé au maximum. Ceci est valable quel que soit le choix de fréquence d’imagerie, seule la structure du parchemin est visible sur l’image ; des zones plus transparentes peuvent indiquer une épaisseur de parchemin plus fine.

  • Etudes spectroscopique des matériaux mis en jeu

            Pour rendre compte de l’interaction entre l’onde THz et une encre déposée sur le parchemin, il est d’abord nécessaire de connaitre les propriétés du parchemin seul. Nous avons alors procédé en premier lieu à l’extraction des propriétés diélectriques du parchemin, avec un échantillon de 0.34 mm d’épaisseur.

            La figure de gauche représente trois signaux temporels, le premier étant la transmission dans l’air (en bleu) et le second (en rouge) la transmission après traversée dans la couche de parchemin. A partir de ces deux signaux et connaissant l’épaisseur de la couche, nous pouvons extraire les propriétés diélectriques du parchemin (figure de gauche), à savoir l’indice de réfraction (en noir) et le coefficient d’extinction (en rouge) dans le domaine de Fourier. Le retour dans le domaine temporel permet une reconstruction du signal (figure de gauche en jaune) qui se superpose à la mesure expérimentale.

            Ces propriétés étant intrinsèques au matériau et donc indépendantes de l’épaisseur de la couche, en déduire les propriétés intrinsèques de l’encre à partir d’une mesure encre sur parchemin doit théoriquement être possible.

            En comparant les signaux transmis par le parchemin seul (en jaune) et celui avec encre Fe3 (en rouge), on constate une plus forte atténuation et un retard temporel plus important pour un échantillon moins épais, ce qui peut être troublant. La raison est simple, les deux mesures n’ayant pas été réalisé sur la même zone du parchemin, il est possible que l’épaisseur ou les propriétés du parchemin soit différentes d’une zone à l’autre. Ceci montre que les variations d’épaisseur ou d’indice d’une zone à l’autre de l’échantillon du parchemin sont plus importantes que celles éventuellement induites par l’encre déposée.

            Pour pouvoir extraire les propriétés intrinsèques de l’encre en question, plusieurs options sont possibles :

  • Réaliser le dépôt d’encre après la mesure sur le parchemin seul, puis réaliser la mesure au même endroit après séchage de l’encre
  • Réaliser une étude spectroscopique des pigments dans une matrice de polyéthylène (PE), ou des diluant dans une cuve adaptée aux liquides.

Perspectives

Le rapport en annexes 3 et 4 de la prestation sur le corpus est très précise. Voici les conclusions et les perspectives de cette méthode

Des mesures en mode FMCW transmission 300GHz et en mode FMCW transmission 300GHz ont été effectuées. Ces mesures permettent de mettre en évidence le substrat inhomogène ou des pliures. Elle permet aussi de détecter sans difficulté les filigranes.

La transparence des matériaux est suffisante pour une imagerie en profondeur jusqu’à 3THz. Cependant, uniquement le substrat est observé.

Aucune connaissance initiale des matériaux et des épaisseurs pour tous les échantillons, ce qui limite l’analyse. En conséquence, seule une analyse qualitative est possible. Les mesures en spectroscopie ne révèlent pas de différence flagrante entre les échantillons avec encre ou sans encre car :

  • L’épaisseur et l’homogénéité des substrats papiers sont beaucoup plus importants pour la mesure que la réponse de l’encre elle-même sur papier.
  • La géométrie et la topologie sont différente (rugosité, état de surface)
  • Les variations induites par l’encre sont trop faibles pour la sensibilité actuelle de ces systèmes.

            En perspectives, des mesures en spectroscopie de chaque matériau individuel pourraient être effectuées pour fournir les épaisseurs limites d’analyses en fonction de la fréquence (entre 100- 2000GHz) et contrôler de façon pérenne si un contraste substantiel existe entre les deux matériaux.