Test d’analyse des encres par AFM

Rapport établi par Christina Villeneuve-Faure

Objectifs

Le projet CodikHum vise la mise au point de nouveaux instruments pour étudier les encres anciennes utilisées sur des documents de la Renaissance, manuscrits ou imprimés. Les méthodes utilisées dans le cadre du programme CodikHum reposent sur la spectrométrie, la colorimétrie mais aussi l’analyse des surfaces d’encres et la microscopie. Les méthodes proposées sont testées, soit dans un corpus de pigments ou d’encres, soit sur d’autres matériaux. Un rapport par méthode est rédigé afin de présenter les résultats. Ces analyses permettent de dessiner un panorama des techniques utilisées à la Renaissance pour écrire et imprimer des livres. Elles posent aussi les bases d’une future banque de données qui est encore à constituer aujourd’hui.

Manipulation

Matériel

Palette de référence 1

            Pour l’étude exploratoire du projet CodikHum, une palette d’encres métallogalliques est utilisé (mg) référencée par l’IRAMAT. Les 19 encres ont été fabriquées à partir du mélange de 20mg de minerai de sulfate métallique broyé avec 100µl de noix de galle pour l’apport en tannin avec 17mg de gomme arabique broyée servant de liant. Le sulfate métallique (majoritairement ferreux et/ou ferrique) représente dans les encres fabriquées 14.5% de matière solide. Les encres ont ensuite été étalées au pinceau en couches sur du parchemin.

Palette de référence 2

            Une deuxième palette de référence est réalisée afin de mettre en évidence l’influence de la quantité de chaque ingrédient. Pour cela, de la noix de galle en poudre est ajoutée dans de l’eau distillée pendant une semaine. Puis ce mélange est réduit de moitié par chauffage et filtré. Ce filtrat est utilisé pour réaliser les encres suivantes :

  • Série Fer : Filtrat + gomme arabique + différentes quantités de sulfate de Fer
  • Série Alun : Filtrat + gomme arabique + sulfate de fer + différentes quantités d’Alun
  • Série Mixte : Filtrat + gomme arabique + sulfate de Fer + différentes quantités de Noir de Fumée
  • Série Fe/AG : le rapport entre le sulfate de fer et l’acide gallique varie dans cette série

            Chaque encre est appliquée sur un morceau de parchemin du côté chair. La série Fer est aussi appliquée sur le côté poil pour éventuellement observer des différences entre le recto et le verso.

Protocole

Le principe de fonctionnement de l’AFM repose sur les mesures des différentes forces d’interaction (forces de répulsion ionique, forces de Van–der–Waals, forces électrostatiques, etc…) entre les atomes de la surface à étudier et les atomes constituant la pointe sonde nanométrique, fixée au micro–levier.

            L’objectif de cette méthode dans le cadre du projet est de caractériser les encres à l’échelle nanométrique tout en restant représentatif du comportement global.

            La mesure de topographie (tapping) est possible uniquement sur de petites surfaces (5µmx5µm), ce qui n’est pas forcément représentatif de l’échantillon. De plus il est difficile de trouver une zone mesurable à cause de la rugosité importante de l’échantillon.

            Grâce à cette méthode, des mesures de propriétés mécaniques (adhésions) sont possibles (PF-QNM) mais dans notre cas la rugosité reste trop importante pour ce genre de mesure. Cependant des mesures de permittivité (EFM) sont possibles sous certaines conditions : la rugosité doit être faible (Ra<10nm) et connaitre l’épaisseur.

Les paramètres caractérisant la surface sont les suivants :

  • Rugosité moyenne (Ra)
  • Rugosité quadratique (rms ou Rq)
  • Skewness (asymétrie du profil autour de la valeur moyenne) 
    • Si Sk < 0 (vallées prédominent)
    • Si Sk > 0 (pics prédominent)
  • Kurtosis (distribution de pics sur une surface) 
    • Si Ku = 3 (surface aléatoire)
    • Si Ku < 3 (surface avec de bumps)
    • Si Ku > 3 (surface avec des pics)

Résultats

Palette de référence 1

Sur les 19 échantillons de cette palette, seulement 14 sont mesurables en tapping. La figure 1 montre que la surface est peu à très rugueuse et seuls 9 échantillons ont une Ra < 10nm. Nous pouvons envisager des mesures de permittivité sur ces échantillons. De plus, la zone analysée n’est pas forcement représentative de l’échantillon.

            L’encre Goslarite possède une prédominance de vallées (Sk<0). La Jarosite et la mélantonite ont autant de pics que de vallées (Sk=0). Tandis que tous les autres échantillons ont un Sk supérieur à 3. Les encres almopia, scouriotisa, jarosite et 117gvf ont une distribution aléatoire (Ku=3), alors que tous les autres échantillons ont des surfaces avec des pics (Ku>3)

Palette de référence 2

            Quel que soit la série de la palette, la rugosité reste importante pour effectuer des mesures EFM. Le Skewness est proche de 0 et le Kurtosis de 3, ce qui signifie qu’il y a autant de pic que de vallée et que la répartition est aléatoire sur la surface.

               Les cartes topographiques de surface soulignent que quelle que soit la concentration de sulfate de fer, la surface reste assez rugueuse (Fig.3). Cette observation est confirmée sur la figure 3, avec une rugosité de surface (Ra) comprise entre 50 nm et 150 nm. De plus, la rugosité de surface Ra et Rq diminue avec les teneurs en sulfate de fer. La concentration en sulfate de fer favorise la formation du complexe de fer et améliore l'homogénéité de la surface.

                   Les cartes topographiques de surface soulignent que quelle que soit la concentration d’alun, la surface reste très rugueuse (Fig. 4). Cette observation est confirmée sur la figure 4. En effet, la rugosité de surface Ra et Rq augmente avec les teneurs en alun et une saturation est observée pour une concentration plus élevée. Comme Ra et Rq sont proches, cela indique que la surface est assez homogène. Ce comportement est différent de celui du fer (Ra et Rq diminuent avec la concentration de sulfate de fer). La concentration d’alun inhibe la formation du complexe de fer et augmente l’inhomogénéité.





Les propriétés mécaniques de chaque série sont représentés dans les figures suivantes. La compositions des encres semble avoir une influence sur ces proriétés.

Pour la série Mixte, le module de Young et la rugosité augmentent avec la quantité de carbone. Par contre la force d’adhésion reste constante (10-40 nN)

Pour la série Fer, le module de Young et la rugosité diminuent avec la quantité de fer. Par contre le force d’adhésion reste constante (10-40nN).

Pour la série Alun, le module de Young diminue et la rugosité augmentent avec la quantité d’alun. Par contre la force d’adhésion reste constante (10-20nN).

Perspectives

Les échantillons sont très rugueux, par conséquent, les mesures de permittivité ne sont pas réalisables pour beaucoup d’échantillons. De plus, la dimension de la surface étudiée est faible et non représentative de l’échantillon. En effet, on teste 5-6 zones avant d’en trouver une mesurable.

Pour les mesures mécaniques, des tendances se dégagent pour le module de Young et la rugosité, ces grandeurs évoluent quand les paramètres varient mais les valeurs restent dans la même gamme (module de Young entre 1.5 Gpa et 15 GPa). Ces valeurs sont standards pour des polymères. Il est donc impossible de discriminer les encres avec ce paramètre.